jeudi, mars 15, 2007

Du sexe faible en politique

L'étendard du genre est apparu à quelques rares occasions au cours de cette campagne, manifestement presque toujours agité par la candidate socialiste. À tort ou à raison ? Il ne nous appartient pas ici de trancher, même si certains éléments, depuis sa « horde » jusqu'à la société toute entière, en passant par le monde masculin (et donc cruel) de la politique, peuvent sans doute abonder dans le sens d'un système encore très patriarcal, où l'homme est dépositaire de l'autorité au sein de l'entité familiale, et par extension seul préposé aux affaires de pouvoir.
Mais disserter sur l'aptitude des mentalités à recevoir un changement de sexe est une véritable gageure sociologique : il semble plus aisé de saisir la relation, si il y a lieu de la faire exister, entre pouvoir et féminité.
À cet endroit, la période de discrédit à l'égard des compétences de Madame Royal, qui paraît se prolonger, est un apport éclairant d'une confusion qu'elle a voulu faire naître : si on lui a fait tant de procès, c'est qu'elle a été victime d'une conjuration ourdie par le genre opposé, peu enclin à accepter sa différence. Mais l'imbécillité (subst. fém.) de ses prises de position n'était elle pas, quant à elle, unisexe ? Plus profondément, sa posture présidentielle, plus que maternelle pour certains, est aussi source d'agacement : se montrer doux, compatissant, caressant parfois, le pouvoir n'y serait pas habitué. De même pour sa volonté, si peu dissimulée, que ce soit en voyage diplomatique ou lors d'un débat dit participatif, de contenter et rassurer tout le monde. Mais encore une fois, répondre par la négative n'est pas l'apanage des papas, et une maman, aussi, sait dire non quand il le faut. Aussi faudrait-il ici remarquer que l'autorité semble se moquer du sexe de ceux par qui elle est incarnée ; elle est aveugle face à la blancheur du tailleur ou la noirceur du costume, l'essentiel résidant pour elle dans le for intérieur de ceux qui les portent : en peu d'adjectifs, courage, force d'âme, résolution, confiance ou même « croyance » en soi sont les maîtres mots de la relation entre individu (maintenant sans sexe) et pouvoir. Face à ces vertus du pouvoir, le peuple ne se trompe pas et lit à l'intérieur des candidats au titre suprême grâce à une intuition inquisitrice qui fait tomber les masques vertueux aussi vite qu'on a pu s'en draper.
Un bémol existe cependant à cette neutralité sexuelle de l'autorité, trop parfaite pour être sans faille : celles qui ont touché au graal du pouvoir se sont instantanément masculinisées, ou étaient déjà ainsi par ailleurs. Merkel, Thatcher, mais même Bachelet, Alliot-Marie ou Clinton, ne sont en effet pas des modèles de féminité, ou du moins ce n'est pas comme cela que l'histoire les a jugées ou les jugera. Dans Madame Royal réside donc de fait cette nouveauté, presque inconnue jusqu'alors, d'une féminité revendiquée jusque dans son patronyme. Cela fonctionnera- t-il pour Madame Hollande, euh Royal ? Le doute persiste à la croisée des sexes. Comme le fait remarquer Machiavel : « Ce qui peut faire mépriser, c’est de paraître inconstant, léger, efféminé, pusillanime, irrésolu, toutes choses dont le prince doit se tenir loin comme d’un écueil, faisant en sorte que dans toutes ses actions on trouve de la grandeur, du courage, de la gravité, de la fermeté »...