mardi, avril 10, 2007

Avec ou sans lui.

Les absents ont toujours tort. Ceci serait doublement vrai pour Sarkozy si le fameux débat proposé par Bayrou et accepté par Royal et Le Pen avait effectivement lieu. Il serait evidemment accusé d'avoir eu peur de perdre plus que ce qu'il n'avait à gagner en se lançant dans une telle aventure. Mais pire encore, les idées du candidat qui domine les sondages depuis trois mois ne seraient pas défendues dans ce qui serait incontestablement l'événement majeur de la fin de campagne avant le premier tour. Car ce n'est pas l'indigente ingéniosité des clips proposés par la plupart des candidats pour ce début de campagne dite "officielle" (quelle drôle d'idée, soit dit entre nous...) qui aidera les nombreux indécis à se déterminer, sauf peut-être pour un candidat extrême, utopiste, idiot, ou les trois condensés. Ces spots transpirent le travail bâclé, peu inspiré par un exercice devenu au fil des années fastidieux et déconnecté de l'évolution technologique. La copie rendue par certains est donc sinon décevante, du moins trop classique et bien peu naturelle pour susciter l'envie.

Mais voilà que Sarkozy nous prive, à lui seul et sans que cela fournisse matière à réflexion et à critique pour les autres, d'une fraîcheur politique dont on aurait pourtant bien besoin. Il semble miser sur l'ennui dans cette dernière ligne droite, en appliquant là les conseils du tandem Mitterrand-Moati qui cherchait à rendre le débat d'entre-deux-tours toujours plus ennuyeux pour le téléspectateur afin de provoquer le statut quo dans l'opinion, grâce notamment à des techniques télévisuelles sans relief ni piquant. Alors pourquoi ne pas briser cette stratégie en organisant le débat, mais sans le stratège? Quelle serait sa capacité de réaction face à l'effet de surprise? Il a certes déjà dû y penser mille fois, en maudissant Bayrou d'avoir émis cette idée publiquement pour le destabiliser. Le risque de se faire caricaturer, en laissant le champ libre à Le Pen comme seul candidat de la droite présent au débat, est évidemment immense, et doit lui donner des sueurs froides. Le danger de ne plus imprimer le tempo en ayant délibérément choisi le camp de l'immobilisme réprésente un autre écueil à cette tactique, au fond footballistique, qui consiste à conserver le score jusqu'au coup de sifflet final. Changerait-il du coup d'avis? L'urgence de riposte dans laquelle il serait alors projeté permettrait plus encore de tester la personnalité profonde d'un candidat à l'empreinte génétique trouble. En tout cas, bien malin celui qui bousculera sa défense de la sorte. En 4-3-3 plutôt qu'en 5-4-1.
En effet, du pain et des jeux reste un principe essentiel en politique. Le peuple conserve toujours en lui une inclination un peu romaine au bon spectacle divertissant, préférant deux gladiateurs qui ferraillent dur à un refus de combattre ou à une opposition savamment édulcorée. En témoignerait la consultation à coup sûr démentielle du site qui diffuserait le débat sur Internet, qui ferait le plein comme jadis le Colysée amassait la foule. L'effet d'un tel débat-affrontement va donc au delà du simple échange d'idées puisqu'il constitue, comme dans l'Antiquité, par sa dimension spectaculaire, une vivacité démocratique et même un ciment national autour duquel les citoyens se retrouvent, échangent. Il crée et raffermit le lien dont on a aujourd'hui plus besoin que de la quête identitaire stérile, véritable recherche toujours discutable d'un plus petit dénominateur commun. Il est élément de la fierté d'une démocratie qui se porte bien aux yeux de tous et du monde.
Ainsi, Sarkozy doit à présent se méfier de l'optimisme cornélien. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. En politique, il se peut même qu'on ne vainque pas.