lundi, novembre 06, 2006

L'erreur de casting

La nouvelle du jour est tombée à 20 heures, dans un beau studio situé sur les bords de Seine à Boulogne-Billancourt, où officie un ex-chauve vedette de la télévision depuis l'époque de l'ORTF, ou presque. Jean-Pierre Chevènement, "cinq ans plus tard" est "à nouveau" candidat à la présidence de la République (remarquez au passage la finesse des allusions au 21 avril de la part de PPDA, qui signifient en somme : "malgré tout, tu te repointes ?"). Oui, cinq ans après quoi ? Cinq ans après avoir été l'objet d'une "bulle médiatique" principalement sondagière, brutalement crevée dans la dernière ligne droite, récoltant 5,33 points là où on l'avait annoncé à 14, voire plus. Encore pire que Raymond Barre, Balladur et Chaban réunis ! Mais là n'est pas le principal grief porté contre lui : le PS a trouvé en lui le responsable idéal de la débâcle du 21 avril, sa candidature ayant soi-disant fait perdre un nombre de voix fatal au parpaillot de l'île de Ré.
On sent que sa candidature jette un froid, un malaise, les socialistes évitent d'ailleurs le sujet. Pourquoi ? Parce qu'il y a tout simplement erreur de casting. Jean-Pierre Chevènement, au lieu de se lancer dans un aventureux cavalier seul dans la campagne, ajoutant la division à la division de la gauche, selon la formule consacrée, devrait légitimement être aujourd'hui partie prenante aux débats internes du PS, représentant de la ligne dite républicaine, plus précisement laïque, jacobine, protectionniste et post-keynésienne. La ligne "première gauche", selon les mots de Rocard. La ligne autrefois incarnée par les radicaux socialistes, ardents défenseurs de ce modèle républicain, renvoyant à la grande époque de la IIIème République et du Positivisme, puis par le CERES, que présidait un certain Chevènement, et aujourd'hui incarnée par ... Fabius, l'homme de l'acte unique européen, le premier ministre du tournant de la rigueur. Un renversement de situation ubuesque, mais qui a ses raisons : depuis le départ du "che" du parti en 1993, la ligne gauche du PS est incarnée par de fieffés incapables, Emmanuelli et Mélenchon. Du coup, un réservoir de voix s'est trouvé mis en coupe réglée par les jospinistes, et l'aile gauche s'est trouvée orpheline, d'où le virage à 180 du premier de la classe.
On peut regretter que Chevènement ait cru qu'il serait plus libre de penser et de s'exprimer en dehors du PS : il serait bien plus crédible, sincère, audible et même intelligent que Fabius dans le rôle d'une nécessaire représentation d'une ligne radicale au sein du PS. Le débat y aurait nettement gagné en intérêt. Une fois de plus, les petits calculs personnels priment sur les convictions de fond... Une erreur de casting qui, une fois encore, pourrait coûter très cher aux socialistes.