vendredi, octobre 20, 2006

... à la fracture

Le thème de la campagne de Nicolas Sarkozy n'est pas la peur mais la rupture. Elle est théorisée par ses fameux conseillers et est prônée haut, fort, sans cesse, sans demi-mesure. Cependant, il est évident que dans la tournure que prennent les événements, ça n'est absolument pas une thématique autour de laquelle on peut fédérer.

La notion de « rupture » comporte les idées de casse et de désunion. C'est donc à envisager de façon péjorative. Et on ne « fédère » pas autour de quelque chose connoté négativement, au mieux on « ligue » pour combattre, pour se défendre contre. De plus, ce mot, scandé sempiternellement depuis plusieurs années : « rupture-rupture-rupture» aidé dans sa tâche par l'expression : « il faut rompre-il faut rompre-il faut rompre» arrive presque à faire croire que c'est une fin en soi. Il réussit en cela à effacer tout le travail des conventions de l'UMP.

Or, de la même façon qu'avec la peur, Sarkozy commence à être perçu comme un être de destruction, quelqu'un qui va remettre en cause les fondements de la société française (longue polémique autour de son communautarisme), ses valeurs (difficile réforme de la laïcité), ses grandes politiques : économique (le catégorique refus français du choix entre libéralisme et étatisation) ou étrangère (la conceptualisation d'une autonomie face aux grands et notamment les États-Unis).

Cela permet à des fantasmes de se développer et le corps électoral ne peut porter au pouvoir un homme qui semble vouloir le faire rompre avec ses origines. Car si le message de départ évoque une rupture sur la méthode, celle-ci est ressentie comme une rupture sur le contenu. Cette dernière rupture est facteur de division et l'inconscient collectif des Français ne peut pas accepter cette forme de condamnation du passé car le peuple a les dirigeants qu'il a voulu et il ne se reniera jamais de les avoir portés au pouvoir. S'il veut une inflexion dans la conduite politique, il n'est pas prêt à tolérer une rupture.

À tous points de vue, ce sont là les signes annonciateurs d'une fracture irréparable.