lundi, septembre 11, 2006

"Les gens"

Il est de ces détails qui nous font penser que beaucoup d'hommes politiques vivent dans l'illusion, voient la France telle qu'ils voudraient qu'elle soit, interprètent toute réalité dans leur sens. Pourtant, le moindre des impératifs, pour quelqu'un qui fait de la politique, serait d'appréhender la réalité telle qu'elle est.

Le détail dont il s'agit n'en est en réalité pas un : il est l'expression inconsciente, l'émanation psychosomatique d'une maladie appelée populisme. On n'entend pas ici par populisme le fait de vouloir gouverner pour l'intérêt des "couches populaires", encore moins le fait de promettre monts et merveilles à la nation (ce serait alors de la démagogie). Un homme politique est pour moi populiste lorsqu'il est persuadé d'être l'incarnation, le héraut, le porte-étandard, du peuple tout entier, à l'exception notable de quelques ennemis de l'intérieur.

Ce détail, venons-en au fait, c'est la manie qu'ont certains hommes politiques de parler au nom des "gens". Non, ils ne sont pas les porte-parole d'un "électorat", d'une "partie des Français", pas moins de "certaines personnes", ce serait bien trop réducteur ! C'est pourtant la réalité. Certains, Besancenot, Villiers, Laguillier, Le Pen (la variante lepeniste étant bien sûr "les français"), procèdent souvent ainsi : "les gens en ont marre de...", "les gens sont exaspérés par...". Illustration avec le facteur : « les gens sont écœurés de la droite, mais ne veulent pas pour autant d'une expérience d'une gauche qui pourrait se satisfaire du libéralisme avec une pincée de social dedans ». Etonnante affirmation quand on sait qu'à l'heure actuelle Sarkozy et Royal cumuleraient plus de 70% des suffrages...

Les pensées, les idées, les intentions qu'ils prêtent aux "gens" sont les leurs, celles de leurs seuls électeurs. Peur de se regarder dans la glace. Peur pour les gens d'extrême gauche de voir que 90% des français votent à droite ou pour le "social-libéralisme". Peur pour Villiers de voir que les "patriotes" puissent voter à 80% pour des candidats hostiles à l'idée d'immigration zéro. Le fait, indéniable, que la France soit une mosaïque de sensibilités les plus diverses, toutes exprimées dans des proportions significaives, leur est insupportable. L'idée que, au fond, leur point de vue, qu'ils rêvent être la volonté immanente d'un peuple uni, ne soit qu'une idéologie minoritaire réservée à une caste, les épouvante. Alors on biaise le discours pour transformer le réel.

Ce qui m'emmerde dans tout ça ? Tout simplement que Royal et Sarkozy procèdent de même.